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Janvier 2009, Rencontres à Fuveau

Le 31 janvier, a eu lieu la préparation des rencontres litteraires sur le thème de l'amérique entre l'association des écrivains de Provence à Fuveau , France Etats Unis et Imagine Cités cities. Cet évènement a été animée par un spectacle de danse et musique américaine ainsi qu'une projection sur le regard intimiste de l'amérique post-Bush de Black Danwson photographe et une conférence de Diana Pollin sur les Influences entre le Jazz et la Littérature américaine dont voici un condensé.

Le jazz et la littérature américaine.

"Le jazz est la forme musicale la plus distinctement américaine et, en même temps, la forme la plus globale. Il puise ses racines dans les traditions musicales africaines et a traversé les mers avec la venue des esclaves en Amérique à partir du 16e siècle. Le jazz dès le départ est associé à la magie et a su garder son aspect de communication avec les esprits, avec l’au-delà. Le jazz a participé et participe encore dans les cérémonies religieuses. Le jazz est aussi particulièrement américain en inspiration parce qu’il est des grass roots – c’est à dire qu’il vient du peuple mais a su dépasser le stade de la forme folklorique et a su évoluer alors que le folk reste très attaché à ses premières origines. Le jazz est aussi une forme musicale qui est faite pour le travail, donnant le rythme aux esclaves ramassant le coton chez les planteurs et le jazz est aussi un code secret pour passer des informations aux esclaves fuyant les états du sud ou leurs passeurs. Donc, le jazz est tout d’abord pragmatique en même temps qu’esthétique : musique de travail, code secret, musique qui entretient les liens avec le divin et aussi, une sorte de rébellion pour ceux qui subissent l’esclavage et la perte de leurs racines, le jazz est une forme de résistance à la déculturation.

Les prémisses du jazz se trouvent naturellement dans les Négro Spirituals. Les Afro-américains, forcés de se convertir aux différentes religions des planteurs, inventent une musique qui se caractérise par une grande liberté d’improvisation à partir d’une ligne mélodique et elle est aussi accompagnée par une puissante ligue polyrythmique des percussions aux rythmes binaires et ternaires. Les Spirituals sont omniprésents au 19e siècle mais peu de blancs les prennent au sérieux ; toutefois, il faudrait citer un nom d’un compositeur blanc de l’époque, Stephen Foster, créateur de ! Susanna, Camptown Races, My Old Kentucky Home, Old Black Joe, Beautiful Dreamer et Old Folks at Home (Swanee River) qui s’inspire directement des chansons plaintives ou rythmées et le poète Walt Whitman qui incorpore dans son fameux Leaves of Grass la phrase syncopée des noirs. Les Spirituals au début furent jouées a capella mais les chansons deviennent plus complexes et s’ajoutent des percussions, des banjos, des flûtes et même dans certains cas, des violons. On remarque un mélange des musiques noires et blanches chez les planteurs du sud quand ceux ci ordonnent des quadrilles et des cotillons pour leurs grandes fêtes. Les musiciens noirs sont d’excellente qualité et apparaissent souvent habillés en tenues de perruques et vestes longues pour accompagner ces grandes occasions. Mais, on attendra l’Emancipation, en 1863, et surtout les grandes vagues d’immigration d’Europe pour que le jazz prenne ses lettres de noblesse.

Avec cette nouvelle immigration, la scène musicale et littéraire subit un grand chamboulement. Les nouveaux immigrants apportaient une nouvelle vision de l’Amérique et une volonté d’expérimenter avec toutes les formes de liberté sur le plan artistique et musicale. Et surtout une grande curiosité envers ce qui fut la marginalité. La littérature américaine jusqu ‘alors , au 19e siècle, cherchait à imiter sa sœur en Europe. Henry James et Edith Wharton produisaient certes des chefs d’œuvre mais ne prétendaient pas à créer une nouvelle forme de littérature à partir de leurs origines américaines. Hawthorne et Longfellow et Melville créaient des romans du style européens aussi.
Mais revenons aux Afro Américains et le jazz.

A l’aube du 20e siècle et quand le siècle fut jeune, le premier compositeur noir, Scott Joplin a gagné une grande renommé avec son maple leaf rag et a porté le ragtime à l’attention des compositeurs sérieux, y compris Debussy qui écrivit the Golliwogg’s cakewalk. Stravinsky dans Sacre du Printemps et Prokoviev entre autres, ont vu et subi la séduction de cette forme musicale. Donc, ce n’est que les balbutiements d’une très grande révolution qui allait déferler sur le monde artistique.

Le jazz toutefois, fut inventé à la nouvelle Orléans, French quarter, beacon street et donna naissance au blues, sa fille aînée ; Le jazz fidèle à ses origines pragmatiques, se jouait d’abord en accompagnement aux enterrements des noirs et le fameux When the Saints Go Marching In est l’exemple le plus célèbre de ce fait. Ces marches d’enterrement ont été joyeux car le défunt quittait ce monde de misère pour un meilleur. Très vite certains musiciens prennent la tête de l’affiche, Louis Armstrong ou « satchmo », Jelly Roll Morton, Sydney Bechet, Cab Calloway, Chester Hines ou Fletcher Henderson ou chez les dames, Billie Holiday, Bessie Smith, Ella Fitzgerald, Sarah Vaughn et Mahalia Jackson, les deux dernières venant du gospel.

Vague d’immigration venant d’Europe et vague d’émigration noire venant du sud convergent dans les grands métropoles américains, New York et Chicago. Rencontre avec les écrivains (dont certains sont issus de la vague noire, comme James Baldwin ou Richard Wright) qui émergent sur la scène américaine comme Dos Passos qui fait la première grande tentative d’expérimenter avec la phrase en anglais américain pour capter le rythme syncopée de la langue populaire. Et Fitzgerald dont l’écriture musclée et imagée subit directement l’influence des speakeasies ou le jazz se jouait et qui donna aux 1920s le titre The Jazz Age.

Avec la grande dépression, les américains voulaient surtout à trouver un peu de légèreté et de confort dans leur triste quotidien et la musique suivait leur volonté. Le jazz faisait oublier le chômage, la soupe populaire, les grèves et les révoltes dans les endroits branchés comme le cotton club de Harlem. Mais le jazz reste la musique des noirs et donc une forme inférieure pour les blancs.

Avec la 2e guerre mondiale, la musique devait avant tout soutenir le moral des troupes et divertir. Le jazz noir fait place aux big bands des musiciens blancs, les frères Dorsey et Glenn Miller. Benny Goodman et sa clarinette et les crooners comme Frank Sinatra et Bing Crosby. Dans une période tendue, toute expérimentation fut écartée et remise au plus tard. L’Amérique avait « un job to do » … sauver le monde.

Changement de décor à partir des années 50s. L’expérimentation revient et en force ! En littérature, c’est la révolte de la beat generation avec Kerouac Ginzburg Burroughs et leur groupe qui se donnaient à la marginalité, à l’exclu et, en réaction à la période ultra conservatrice où McCarthy va évoluer, ce groupe va revenir vers l’expérimentation avec la musicalité et la phrasée rythmique du mot écrit et en même temps se référait au jazz qui lui aussi va subir les influences des génies tel que Miles Davis, John Coltrane, Theolonius Monk, Charlie Parker, etc. L’Amérique musicale et littéraire redore le blason de la nouveauté et la révolte. Et cela continue jusqu’au nos jours. "
Diana Pollin

Presse La Provence 11 02 09
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